Entre œuvre et ouvrage,
un lieu de fabrication
Un essai photographique sur le chantier
du Centre International d'Art Pariétal
[Lascaux 4]
1/ Série grise
2/ Série croisée
2013-2016
2012
À Montignac, lorsque l’on tourne son regard vers la colline de Lascaux, rien ne laisse soupçonner la présence de l’une des œuvres d’art plastique les plus connues au monde. Les œuvres pariétales de Lascaux sont dissimulées, enfouies dans une caverne elle-même cachée par une forêt. Un immense voile de matière enveloppe, protège et isole la grotte ornée qui est là, sous notre regard, mais invisible.
Avec le projet du Centre International de l’Art Pariétal (CIAP) un bouleversement du visible est en jeu : dans quelles proportions du montré et du caché sera à nouveau proposée l’exhumation de cette icône de l’art pariétal ?
2014
Depuis le début des travaux, je me rends sur l’ambitieux chantier du CIAP à Montignac-Lascaux. Pendant plus de deux ans, patiemment, j’en parcours le site qui m’apparaît dans toute sa complexité. L’objet qui se fait devant moi existe déjà dans l’acte même de sa fabrication. Car c’est en elle et par elle que se joue l’ordre fondamental du lieu : d’un état souterrain, étroit, sombre, intime, à la fois secret et sacré, une mise au jour opère jusqu’à un état de surface et de lumière, ouvert et public.
Très vite, devant l’énorme brassage de matériaux qui s’organise devant mes yeux, je prends conscience d’une irrépressible nécessité de retenir l’action en cours.
Je questionne alors dans une posture de face à face et un langage proche du minimalisme, l’intense matérialité qui se dresse devant moi, ce qui fait masse, ce qui s’interpose et fait obstacle. Le CIAP avec la part de savoirs, de rêve et d’imaginaire qu’il est sensé apporter au public, doit au préalable passer par la démonstration de notre dépendance à la matière. Ses parois de béton banché parfois graphitées de repères, de chiffres, de lignes de niveau, de dessins, agissent et s’accordent en de contemporaines énigmes. Dans les angles les plus reculés et les plus silencieux du chantier, ses endroits les plus sombres, l’écho de la caverne originelle enveloppe les sens et altère la perception sensorielle. Une autre grotte se reforme et construit de nouveaux diverticules. Voici ici les chemins de béton, de fer, de verre et de flux divers qu’il faut suivre pour accéder au discours sur les origines de l’art et de l’humanité. L’ouvrage qui se substitue à l’œuvre occupera désormais l’espace de notre relation à Lascaux.
Lascaux la grotte originelle ; Lascaux l’œuvre ; Lascaux le sanctuaire, pourront alors se faire oublier.
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